Vous voulez en savoir plus, sur moi ? il suffit de demander : voici une petite histoire qui m'est arrivée le mois dernier par une fraîche soirée !
Un écafilp buvait une bière avec le Xelor devant la taverne d'Astrub. Un Sadida profondément endormi était assis entre les deux autres qui s’en servaient comme d’un coussin, le coude appuyé sur lui et causant par-dessus sa tête. « Bien gênant pour le Sadida, » pensa Oxyl. « Mais comme il est endormi je suppose que cela lui est égal. »
Bien que la table fût très-grande, ils étaient tous trois serrés l’un contre l’autre à un des coins. « Il n’y a pas de place ! Il n’y a pas de place ! » crièrent-ils en voyant Oxyl. « Il y a abondance de place, » dit Oxyl indignée, et elle s’assit dans un large fauteuil à l’un des bouts de la table.
« Prenez donc du thé, » dit l'écaflip d’un ton engageant.
Oxyl regarda tout autour de la table, mais il n’y avait que de la bière. « Je ne vois pas de bière, » fit-elle observer.
« Il n’y en a pas, » dit l'écaflip.
« En ce cas il n’était pas très-poli de votre part de m’en offrir, » dit Oxyl d’un ton fâché.
« Il n’était pas non plus très-poli de votre part de vous mettre à table avant d’y être invitée, » dit l'écaflip.
« J’ignorais que ce fût votre table, » dit Oxyl. « Il y a des couverts pour bien plus de trois convives. »
« Vos cheveux ont besoin d’être coupés, » dit le Xelor. Il avait considéré Oxyl pendant quelque temps avec beaucoup de curiosité, et ce fut la première parole qu’il lui adressa.
« Vous devriez apprendre à ne pas faire de remarques sur les gens ; c’est très-grossier, » dit Oxyl d’un ton sévère.
À ces mots le Xelor ouvrit de grands yeux ; mais il se contenta de dire : « Pourquoi une pie ressemble-t-elle à un pupitre ? »
« Bon ! nous allons nous amuser, » pensa Oxyl. « Je suis bien aise qu’ils se mettent à demander des énigmes. Je crois pouvoir deviner cela, » ajouta-t-elle tout haut.
« Voulez-vous dire que vous croyez pouvoir trouver la réponse ? » dit l'écaflip.
« Précisément, » répondit Oxyl.
« Alors vous devriez dire ce que vous voulez dire, » continua l'écaflip.
« C’est ce que je fais, » répliqua vivement Oxyl. « Du moins — je veux dire ce que je dis ; c’est la même chose, n’est-ce pas ? »
« Ce n’est pas du tout la même chose, » dit le Xelor. « Vous pourriez alors dire tout aussi bien que : « Je vois ce que je mange, » est la même chose que : « Je mange ce que je vois. » »
« Vous pourriez alors dire tout aussi bien, » ajouta l'écaflip, « que : « J’aime ce qu’on me donne, » est la même chose que : « On me donne ce que j’aime. » »
« Vous pourriez dire tout aussi bien, » ajouta le Sadida, qui paraissait parler tout endormi, « que : « Je respire quand je dors, » est la même chose que : « Je dors quand je respire. » »
« C’est en effet tout un pour vous, » dit le Xelor. Sur ce, la conversation tomba et il se fit un silence de quelques minutes. Pendant ce temps, Oxyl repassa dans son esprit tout ce qu’elle savait au sujet des pies et des pupitres ; ce qui n’était pas grand’chose.
Le Xelor rompit le silence le premier. « Quel quantième du mois sommes-nous ? » dit-il en se tournant vers Oxyl. Il avait tiré sa montre de sa poche et la regardait d’un air inquiet, la secouant de temps à autre et l’approchant de son oreille.
Oxyl réfléchit un instant et répondit : « Le quatre. »
« Elle est de deux jours en retard, » dit le Xelor avec un soupir. « Je vous disais bien que le beurre ne vaudrait rien au mouvement ! » ajouta-t-il en regardant le Sadida avec colère.
« C’était tout ce qu’il y avait de plus fin en beurre, » dit l'écaflip humblement.
« Oui, mais il faut qu’il y soit entré des miettes de pain, » grommela le Xelor. « Vous n’auriez pas dû vous servir du couteau au pain pour mettre le beurre. »
L'écaflip prit la montre, et la contempla tristement, puis la trempa dans sa tasse, la contempla de nouveau, et pourtant ne trouva rien de mieux à faire que de répéter sa première observation : « C’était tout ce qu’il y avait de plus fin en beurre. »
Oxyl avait regardé par-dessus son épaule avec curiosité : « Quelle singulière montre ! » dit-elle. « Elle marque le quantième du mois, et ne marque pas l’heure qu’il est ! »
« Et pourquoi marquerait-elle l’heure ? » murmura le Xelor. « Votre montre marque-t-elle dans quelle année vous êtes ? »
« Non, assurément ! » répliqua Oxyl sans hésiter. « Mais c’est parce qu’elle reste à la même année pendant si longtemps. »
« Tout comme la mienne, » dit le Chapelier.
Oxyl se trouva fort embarrassée. L’observation du Xelor lui paraissait n’avoir aucun sens ; et cependant la phrase était parfaitement correcte. « Je ne vous comprends pas bien, » dit-elle, aussi poliment que possible.
« Le sadida est rendormi, » dit le Xelor ; et il lui versa un peu de bière chaude sur le nez.
Le Sadida secoua la tête avec impatience, et dit, sans ouvrir les yeux : « Sans doute, sans doute, c’est justement ce que j’allais dire. »
« Avez-vous deviné l’énigme ? » dit le Xelor, se tournant de nouveau vers Oxyl.
« Non, j’y renonce, » répondit Oxyl ; « quelle est la réponse ? »
« Je n’en ai pas la moindre idée, » dit le Xelor.
« Ni moi non plus, » dit l'écaflp.
Oxyl soupira d’ennui. « Il me semble que vous pourriez mieux employer le temps, » dit-elle, « et ne pas le gaspiller à proposer des énigmes qui n’ont point de réponses. »
« Si vous connaissiez le Temps aussi bien que moi, » dit le Xelor, « vous ne parleriez pas de le gaspiller. On ne gaspille pas quelqu’un. »
« Je ne vous comprends pas, » dit Oxyl.
« Je le crois bien, » répondit le Xelor, en secouant la tête avec mépris ; « je parie que vous n’avez jamais parlé au Temps. »
« Cela se peut bien, » répliqua prudemment Oxyl, « mais je l’ai souvent mal employé. »
« Ah ! voilà donc pourquoi ! Il n’aime pas cela, » dit le Xelor. « Mais si seulement vous saviez le ménager, il ferait de la pendule tout ce que vous voudriez. Par exemple, supposons qu’il soit neuf heures du matin, l’heure de vos leçons, vous n’auriez qu’à dire tout bas un petit mot au Temps, et l’aiguille partirait en un clin d’œil pour marquer une heure et demie, l’heure du dîner. »
(« Je le voudrais bien, » dit tout bas l'écaflip.)
« Cela serait très-agréable, certainement, » dit Oxyl d’un air pensif ; « mais alors — je n’aurais pas encore faim, comprenez donc. »
« Peut-être pas d’abord, » dit le Xelor ; « mais vous pourriez retenir l’aiguille à une heure et demie aussi longtemps que vous voudriez. »
« Est-ce comme cela que vous faites, vous ? » demanda Oxyl.
Le Xelor secoua tristement la tête.
« Hélas ! non, » répondit-il, « nous nous sommes querellés au mois de Flovor dernier, un peu avant qu’il devînt fou. » (Il montrait l'écaflip du bout de sa cuiller.)
Oxyl trouva cette remarque un peu trop forte ; elle se leva indignée et s’en alla. Le sadida s’endormit à l’instant même, et les deux autres ne prirent pas garde à son départ, bien qu’elle regardât en arrière deux ou trois fois, espérant presque qu’ils la rappelleraient. La dernière fois qu’elle les vit, ils cherchaient à mettre le sadida dans un tonneau.
« À aucun prix je ne voudrais retourner auprès de ces gens-là, » dit Oxyl, en cherchant son chemin à travers le bois. « C’est la beuverie la plus ridicule auquel j’aie assisté de ma vie ! »
Maintenant vous me connaissez bien mieux et pour compléter le tout une photo de mes studieuses études universitaires :